Le Dieu venu du Centaure, Philip K. Dick

Soumis par Denis le 19/02/2018 à 12h45

Dans le futur, la surpopulation et le réchauffement climatique ont rendu la vie sur Terre particulièrement difficile en dehors des grandes villes, réservées à l'élite. Pour régler le problème de surpopulation, le système solaire a été colonisé et les masses sont envoyées vers ces nouvelles colonies, sans billet de retour et destinées à une vie morne et misérable sur des planètes pas franchement plus accueillantes que la Terre.

Mais heureusement, il y a les poupées Pat, des jouets pour adultes qui reconstituent leur vie passée et heureuse, façon existence idéale made in USA. Et puis il y a le D-Liss, une drogue hallucinogène qui leur permet de pratiquer des séances collectives de jeu plus vraies que nature ! Bien entendu, le tout est fourni par l'élite terrienne.

Un jour, Palmer Eldritch, un aventurier que l'on croyait disparu, revient d'une expédition dans le système Proxima du Centaure. Et il ramène avec lui le K-Priss, une drogue bien plus puissante que le D-Liss, qui sera tout prochainement commercialisé dans les colonies !

Inspiré de sa nouvelle "The days of Perky Pat" parue quelques années plus tôt dans le magazine "Amazing", "Le Dieu venu du Centaure" a été publié par Philip K. Dick en 1965, sous le titre original "The Three stigmata of Palmer Eldritch".

Ne tournons pas autour du pot, c'est un classique de la période "années 60" de l'auteur ! Difficile en effet de faire plus "Dickien" car tout y est ou presque : la réalité qui part complètement en cacahouètes, la drogue, la religion, les politiciens et multinationales pourri(e)s, le mensonge d'état(s) pour s'assurer le contrôle des peuples, la colonisation de Mars, la culture allemande ou encore les précogs...

La grande originalité, ce sont ces fameux combinés P.P. Au-delà des poupées en elles-mêmes, les colons claquent une bonne partie de leurs économies dans tout un tas d'accessoires pour recréer l'Amérique d'avant : la maison, les accessoires de jardin comme les barbecues, bref, tous les clichés sont là. Se réunissant pour consommer le D-Liss, ils partent dans une hallucination collective, prenant le contrôle des poupées.

Bien sûr, on sent immédiatement la référence à la célèbre poupée commercialisée depuis 1959 par Mattel. Mais le propos va plus loin puisqu'il ne concerne pas un jouet pour enfants : un palliatif collectif pour fuir une réalité glauque en se réfugiant dans un virtuel bien plus gratifiant. À notre époque, difficile de ne pas penser aux jeux vidéos.

L'oeuvre est plutôt courte, mais d'un intense foisonnement thématique. C'est du Dick de l'époque : c'est touffu, parfois brouillon, mais l'auteur sait vous faire douter quand il le faut et démolir vos certitudes là où vous ne vous y attendiez pas. Il faut parfois s'accrocher pour suivre ce récit pourtant relativement linéaire.

Pour conclure, il y a sans doute plus abouti, plus travaillé et plus qualitatif dans l'oeuvre de Dick. De plus, je ne conseille pas ce roman comme première lecture pour ceux qui souhaitent découvrir l'auteur. Mais sachez que la lecture de ce classique sera, tôt ou tard, simplement incontournable.

Je précise qu'il s'agit pour moi d'une seconde lecture du roman que j'avais initialement découvert lorsque j'étais ado.